Contrat ou loi ? Entrepreneuriat social ou économie sociale par le statut ?
Date de publication :
13 avril 2010 |
Mots clés :
|
---|---|
|
2
Date de publication :
13 avril 2010 |
Mots clés :
|
---|---|
|
Depuis le temps que je tourne ce débat dans ma tête, et que je lis [1] des échanges sur l’entrepreneuriat social, je me disais :
"Qu’est ce qui me chagrine donc dans l’histoire ? Au delà de la question du statut juridique, car je ne suis pas juriste, il y a un fondamental qui me travaille... Quelque chose au niveau des tripes qui me fait dire que cet façon d’entreprendre ne me convient pas !"
Certes, mon activité me fait reposer cette forme alternative d’entreprendre sur des fonds baptismaux plutôt du côté"révolution industrielle" et "mouvement ouvrier naissant". Mais ce n’est pas suffisant pour expliquer mon malaise et surtout mon rejet de ce discours.
Et j’ai trouvé... En lisant un article sur le syndicalisme, j’ai trouvé l’explication à ce sentiment que l’entrepreneuriat social tel qu’on nous le vend est totalement libéral et dans l’esprit économique du moment.
En effet, l’approche parmi les syndicats est, grossièrement, un approche par le contrat ou par la loi.
Rappels :
Le contrat :
Un contrat se définit comme une convention formelle ou informelle, passée entre deux parties ou davantage, ayant pour objet l’établissement d’obligations à la charge ou au bénéfice de chacune de ces parties.
La loi :
En droit, la loi désigne une règle juridique suprême, générale et impersonnelle, ou l’ensemble formé de telles règles. Source du droit, la loi est aujourd’hui typiquement prescrite par le Parlement, représentant du peuple et donc titulaire du pouvoir législatif, le pouvoir d’édicter les lois.
Bref, on voit tout de suite les différences entre le contrat et la loi dans les réflexions préalables et leur mise en place pratique ensuite. D’autant que pour appuyer ma réflexion, on peut même s’appuyer encore un peu plus sur l’acceptation du terme "contrat" en droit anglais :
Le droit anglais ne fait pas de distinction entre les contrats de droit privé et les contrats de droit public. Traditionnellement, la Common law a tendance à voir le contrat comme une institution quasiment sacrée (on parle d’ailleurs de sanctity) et à n’accepter qu’une vision stricte et rigoureuse de celui-ci.
En si l’on fait une comparaison, qui vaut ce qu’elle vaut, entre la démarche d’entrepreneuriat social telle qu’on peut la lire et la comprendre, et la démarche d’économie sociale historique, on peut faire des similitudes, sans reprocher de faire un procès à charge, ou encore, sans reprocher de tomber dans une naïveté béate sur l’ESS [2] :
Eléments | Entrepreneuriat social | Economie sociale historique |
Mode de contraintes | Contrat | Statut |
Décisionnaire de la contrainte | Deux parties minimum | Sociétariat [3] |
Mode de choix | Négociation | Démocratie |
Rappelons nous que l’entrepreneuriat social ne mets pas comme préalable le statut juridique collectif comme critère d’acceptation, mais la recherche de bonnes pratiques internes de l’entreprise privée à but social.
L’ESSEC, via sa chaire entrepreneuriat social, a parfaitement brossé le constat permettant la déclinaison de ce terme :
"L’idée de créer une chaire Entrepreneuriat Social à l’ESSEC est née de différents constats :
Les initiatives privées au service de l’intérêt collectif jouent, en France et dans le monde, un rôle économique et social croissant, de plus en plus complémentaire de ceux du secteur privé à but lucratif et du secteur public.
Les acteurs de l’économie Sociale doivent adapter leurs compétences aux réalités d’un environnement qui évolue à grande vitesse et ils sont amenés à professionnaliser leurs pratiques de management.
Les relations entre le secteur de l’Economie Sociale et le secteur privé à but lucratif se développent : partenariat, mécénat, sponsoring, appui technique, transferts de compétences, partage d’expériences ou de modèles de gestion...
Enfin, chaque individu peut et doit, dans le cadre de sa responsabilité individuelle, prendre en charge une part de cet intérêt collectif.
Thierry Sibieude, Professeur Titulaire, Co-fondateur de la chaire et membre du conseil d’administration du MOUVES met en avant plusieurs éléments intéressants :
Les initiatives privés se développent et sont complémentaires de l’Etat et du privé (tout court, pourrions nous dire !). Oui, bien entendu, d’ailleurs, l’économie sociale s’est constitué historiquement comme une troisième voie entre puissance publique et tout privé. Rien de neuf donc.
L’économie sociale doit s’adapter. Oui. Ne l’a t elle pas encore fait ? Au delà du milieu associatif qui trainent des pieds de temps à autre, la majorité a dépassé l’image vieillotte de l’ESS, pour proposer au panorama des entreprises performantes sur le marché : les mutuelles, les scop, ... ??? Et est ce s’adapter que de reprendre ce qu’on dit "rejeter" ?
Relations privé / privé lucratif. Là encore, oui, et alors ? Il y a bien longtemps que les associations ont compris l’intérêt du mécénat, de la relation avec les entreprises, soit pour l’aspect économique, soit pour l’aspect management. Et les passerelles entre les deux "mondes" ne sont plus aussi étanches qu’avant. Les "pourquoi pas" que nous décrivons régulièrement dans nos ateliers de chercheurs d’emploi en sont un exemple vivant et en progression.
La question de l’individu citoyen, pour moi, renvoie directement à la notion religieuse de charité comme investissement volontaire, individuel et désintéressé [4].
Bref, j’ai enfin trouvé ce qui ne me plait pas dans cette vision de l’entrepreneuriat social tel qu’on nous la présente : une vision libérale de l’entreprise. Mais libéral aussi bien économiquement que philosophiquement, inspiré ou s’inspirant un peu trop des visions anglo-saxonnes de la philanthropie.
Je confirme donc l’urgence qu’il y a à ne pas laisser d’ambigüité par les acteurs se revendiquant de cette philosophie. Au delà des statuts, notre investissement sociale et solidaire doit se faire sur une base alternative au modèle économique dominant, au risque d’atténuer et de lisser les spécificités de notre investissement même !
[1] et répercute sur Ressources Solidaires
[2] Mes interventions ne sont jamais dans le registre du monde des bisounours !
[3] Cela peut aussi être deux parties minimum
[4] dans la mesure où elle est liée à une idée d’épanouissement personnel et de liberté de choix de celui qui la pratique, elle est indépendante des doctrines selon lesquelles l’aide aux citoyens démunis doit être prise en charge de manière obligatoire et institutionnelle par la société (bien qu’elle ne soit pas incompatible)