Le Conseil Constitutionnel a sanctionné (censuré ?) le projet de loi de Marisol Touraine, Ministre de la Santé. La sanction a porté essentiellement, et symboliquement, sur la généralisation du tiers payant auprès des médecins.
Pour rappel, le tiers payant est le fait de ne pas avoir à avancer les frais d’honoraires chez le médecin (En clair : ne pas payer la consultation sur place). C’est une revendication de la Mutualité Française depuis longtemps sur l’argument d’un meilleur accès aux soins pour les populations vulnérables. Sur ce dernier argument, pour avoir animé un débat sur l’accès aux soins des populations vulnérables, il n’est pas si évident à appliquer car avant tout, ce qui ressortait du débat, c’est que l’argument économique n’est pas le premier argument dans la facilitation de l’accès aux soins, mais plutôt l’argument culturel et social de s’occuper de santé et de celle de ses proches. Bien entendu, une fois cet obstacle levé, l’argument économique joue à plein, ce pourquoi donc, il faut se battre pour qu’il s’applique, par exemple, pour les bénéficiaires de la CMU ou CMU-C [1].
Bref.
Depuis des mois, la Ministre bataille contre les lobbies des syndicats de médecins qui ferraillent contre le tiers payant. Leurs arguments ?
Surcroît de travail administratif
Retards de paiement
Mais le principal argument, très peu médiatisé, très peu avancé par les médecins, était avant tout le risque de perdre leur totale autonomie puisqu’en pratique le tiers payant généralisé à toute la population et général sur l’ensemble de la tarification (RO + RC), la relation marchande [2] se transférait du patient vers son organisme social ou complémentaire. Et le principe du payeur aveugle [3], tant décrié (à juste titre) par la Mutualité Française, cessait de fait ! Et cela, les Médecins, si prompts à utiliser les droits du patient pour défendre les leurs, n’en voulaient pas !
Imaginez ! Le médecin ne serait qu’un opérationnel de la santé, rétribué pour ses actes par la Sécurité Sociale ou une assurance complémentaire, qui aurait pu lui demander des comptes sur ses actes... Intolérable !
Alors, le Conseil Constitutionnel a censuré... Alors que la loi prévoyait une dispense intégrale de frais au 30 novembre 2017, cette exonération ne sera finalement plus que partielle. Le Conseil a retoqué le projet sur l’argument que la Ministre n’avait pas "suffisamment encadré ce dispositif et ainsi méconnu l’étendue de sa propre compétence", ce qui veut dire qu’elle n’avait pas appliqué les mêmes contraintes de délai de paiement [4] aux complémentaires qu’à la Sécurité Sociale ! L’argument des médecins est totalement légitime, ce n’était pas possible de ne pas avoir de garantie et de garantie de délai de paiement.
Mais là... Ce qu’ils ont réussi à avoir, c’est une complexification du système puisqu’ils vont garder l’encaissement de la part complémentaire (6 euros environ) et ils vont avoir une gestion administrative rigoureuse à avoir sur le tiers payant du RO.
Les dindons de la farce auront donc été :
Les patients qui vont continuer à verser quelques euros à leur médecin et qui vont continuer à avoir une gestion à multiples entrées pour leur remboursement (Paiement au médecin, remboursement du RO, puis remboursement du RC)
Les régimes complémentaires qui vont continuer à être des payeurs aveugles ;
Et les médecins continuent à avoir la relation marchande avec leurs patients.
La loi entame un coin en forçant le tiers payant sur le RO... Dommage qu’au nom d’une certaine notion de liberté d’entreprendre, les lobbies aient gagné contre la facilitation des moins puissants : le consommateur de soins !