Hier, au téléphone, l’un de mes partenaires professionnels m’a indiqué que j’étais opiniâtre... C’est une personne que j’apprécie et qui reconnaît le travail que je fais, donc je ne l’ai pas mal pris. En plus, ma définition de ce mot était hasardeuse : je savais que c’était lié à la persévérance, mais sans plus.
Le Larousse en ligne nous dit que l’opiniâtreté est synonyme de volonté, persévérance ténacité, acharnement, obstination.
A vrai dire, depuis hier, je repense à cette remarque, je le répète, positive dans sa bouche et dans le contexte de discussion que nous avions ensemble. L’opiniâtreté peut facilement tombé dans la rigidité, le sectarisme, l’intolérance, et autres travers. Les défauts des qualités sont toujours à observer à la loupe.
Alors, je m’interroge. Ydikoi m’a dit il y a peu, lors de nos intenses conversations, que j’étais trop radical. Et mes positions sur l’économie sociale et solidaire le sont aussi.
Un jour, on m’a qualifié de "marginal passionné". "Marginal" dans le sens d’atypique et passionné car je ne fais rien sans y croire. Dois je ajouter "opiniätre" ?
Bon. Analysons. Suis je buté ? Oui, de temps en temps. Suis je convaincu de ce que je dis ? Oui, autant que possible. Puis je faire des choses sans y croire ? Non. Suis je tiède dans mes pensées ou positionnements ? Non. Ai je peur d’aller au combat (d’idées !) ? Non, jamais, surtout si on peut boire un verre ensuite. Est ce que je me sens étranger dans la société ? Oui, certainement. Pourquoi ? Parce que la société actuelle ne confronte plus les idées, ne se repose pas sur des courants de pensées analysées et interrogées, parce que dire que quelqu’un est un andouille est passible de paria, exprimer que ceci ou cela n’est pas beau ou bien est synonyme de sectarisme ou d’extrémisme. Que je sache, je n’ai jamais posé de contrat de tueur sur telle ou telle personne [1].
Alors, opiniâtre ? Oui, certainement. On sait ce que je pense, ce que je prends comme position et l’on sait également que ce n’est ni par calcul d’ambition personnelle ou par simple tactique. Je le fais parce que j’y crois.
Je suis un militant pour une société plus juste, plus humaine et ne reposant pas sur les individualités et le capital. Je suis un anticapitaliste, mais pour la liberté d’entreprendre. En cela, je ne suis pas communiste (version traditionnelle). Mais si l’on entreprend, ce n’est pas pour s’enrichir, mais pour participer à une émancipation des individus des contraintes liées à sa classe d’appartenance (là, c’est de la rhétorique marxiste assumée) et contribuer à la richesse collective. L’objectif de créer une entreprise est de créer de la richesse collective (emploi, impôts) par la satisfaction d’un besoin exprimé par un marché (rhétorique libérale) et non de développer un capital personnel ou une simple augmentation de la valeur d’investissement de départ.
Opîniâtre, je le suis aussi dans le boulot. Heureusement ! Créé il y a 11 ans, l’association qui m’emploie et que j’ai contribué à créer, n’existe que par l’opiniâtreté de certains. Cyrille son Président et moi sommes opiniâtres ! Oui, c’est un combat de tous les jours à différents plans : se battre contre les grandes entreprises de l’économie sociale et solidaire qui tiennent un joli discours sur les recrutements affinitaires (communautaires pourraient dire nos amis québecquois), mais qui recrutent sur les sites classiques et capitalistes, se battre contre un Ministre qui a décidé de faire passer ses amis avant la reconnaissance des acteurs et initiatives de terrain, se battre contre les utilisateurs du site qui pensent que nous sommes subventionnés par de l’argent public, se battre contre les acteurs de l’ESS qui apportent une vision "bisounouresque" de l’ESS [2] alors qu’ils sont éloignés des préoccupations quotidiennes du terrain, lovés dans leurs beaux fauteuils. Alors, certains seront étonnés du terme "se battre" mais c’est une image, mais pas totalement. Ressources Solidaires a dépassé la simple association de terrain, malgré sa taille. Site de référence pour l’emploi, site de référence pour l’actualité, la notoriété est inversement proportionnelle à nos moyens et à notre taille. Donc, pour y arriver et maintenir notre place, il faut du "fight", car à la différence des acteurs cités ci dessus, nous ne sommes pas naturellement invités aux réunions et si nous sommes quelque part, c’est que nous l’avons gagné après argumentations, stratégies et preuves de notre légitimité à y être.
Je retrouve cet esprit avec mon mandat à la Mutuelle des Motards. Grande notoriété, grande expertise, je l’accompagne avec mes moyens, à la hauteur de mes neurones et de mon temps. 15% environ du marché ne peut pas permettre de toiser les autres... Mais pourtant, les places occupées par la Mutuelle dans son environnement laissent à penser que la reconnaissance dépasse sa taille. C’est lié à une structure technique efficace, mais aussi à l’opiniâtreté de son conseil d’administration dans sa stratégie. Et énormément à son Président qui ne compte pas ses heures au service de l’entreprise pour laquelle il est également directeur général. Soit. Sans me comparer, il doit être aussi opiniâtre ! Mon mandat pour ma part, je le conçois dans une vision de conquête pour la Mutuelle des espaces que l’on n’a pas encore.
Alors, opiniâtre, oui, certainement.
Economie sociale et solidaire
