TRIBUNE

La fresque de Clermont-Ferrand est l’expression caricaturale du sexisme du monde hospitalier

Neuf médecins s'indignent des traditions machistes dans les hôpitaux.
par Anne Gervais, et neuf autres médecins
publié le 20 janvier 2015 à 19h10

Marisol Touraine a été choquée à juste titre par le détournement d’une fresque de salle de garde. Généralement sexistes, les fresques sont censées être l’expression d’un exutoire et font partie des rites des salles de garde (comme les projections alimentaires, l’exhibitionnisme occasionnel, les gages idiots tels que les mimes sexuels, l’interdiction des discussions politiques ou médicales avant le café).

Heureusement, la majorité de nos collègues n'y voit qu'un lieu de partage du repas, animé et convivial. Ces rites, ces fresques renforceraient le sentiment d'appartenance à un groupe qui partage un quotidien difficile. Acquérir ces codes, c'est une sorte de rite initiatique permettant d'entrer dans la confrérie des carabins. Intéressant pour les ethnologues, curieux pour les contemporains. Si néanmoins on comprend l'importance d'avoir un lieu «à soi» pour tous ceux qui passent l'essentiel de leur vie à l'hôpital, on comprend moins pourquoi les codes adoptés doivent perpétuer un machisme rétrograde exprimé non seulement par l'art pictural des salles de garde mais aussi par des propos souvent sexistes.

Les femmes qui les relèvent passent au mieux pour des emmerdeuses féministes, au pire pour des «mal baisées». Ce soi-disant esprit carabin n'est que l'expression caricaturale du sexisme ordinaire du monde hospitalier et de la société en général, comme en témoignent les sex-ratio des personnels de l'AP-HP : 85% des infirmiers sont des femmes, 60% des praticiens hospitaliers, 30% des professeurs des universités, moins de 10% des chefs de pôles.

Le viol n’est pas un sujet de plaisanterie, il est normal d’être été choqué(e)s par le détournement de cette fresque. Nous le sommes également. Utiliser le folklore sexiste des salles de garde pour injurier la ministre n’est pas au niveau du débat qui doit avoir lieu sur la loi de santé.

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