L’article 49 de la Constitution de 1958 fait partie du Titre V de la Constitution française sur les rapports entre le Parlement et le Gouvernement » (articles 34 à 51) et plus particulièrement, il organise la responsabilité politique du Gouvernement devant le Parlement. L’article comprend quatre alinéas et constitue un des éléments forts pour permettre d’éviter les crises ministérielles.
L’alinéa 3 de l’article 49 permet au gouverment de s’affranchir du vote des parlementaires en engageant sa responsabilité. Cette procédure est utilisée lorsque le Gouvernement n’est pas certain de l’issue du vote, c’est-à-dire lorsque celui-ci n’est pas sûr d’avoir une majorité.
Souvent considéré comme une mesure d’exception, le recours au 49.3 fut pourtant fréquent sous la Ve République, quatre-vingt-cinq fois depuis 1958. Son pendant est la motion de censure des parlementaires, qui peut faire "sauter" le gouvernement si elle est adoptée. L’article 49 alinéa 3, dit d’« engagement de responsabilité », permet au gouvernement de faire passer le texte qu’il présente, sans vote, sous couvert du rejet de la motion de censure que l’opposition se doit de déposer [1].
Il faut noter que, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le 49.3 ne peut être utilisé « que pour un seul texte par session parlementaire », hors projets de loi de finances ou de financement de la Sécurité sociale.
Edouard Philippe a décidé de se passer du vote des parlementaires et d’engager sa responsabilité samedi dernier dans le cadre de la discussion sur le projet de loi de réforme des retraites.
C’est dommage. C’est inutile. C’est dangereux.
Pourquoi dommage ?
Parce que cela prouve, si il le fallait encore, que notre régime parlementaire est réellement un parlementarisme fortement rationalisé [2]comme le voulait De Gaulle, et comme l’ont stabilisé les suivants, y compris de "gauche".
Même si le Président de la République est élu au suffrage universel direct (A mon grand regret) et que le Gouvernement est l’expression d’une majorité parlementaire [3], le député reste l’expression du territoire, du citoyen et donc, son assemblée, reste l’expression directe de la Nation et de la République. Ceci depuis 1789 quand même ! Voire même avant avec les Etats Généraux...
Il est donc dommage que pour une réforme aussi structurelle et aussi profonde, le parlement ne joue pas son rôle de porte-voix d’une Nation qui, majoritairement, exprime à travers ses différents corps intermédiaires, son opposition à celle-ci.
Pourquoi inutile ?
Le 49.3 n’a été créé par le législateur de la 5ième République que comme un moyen d’éviter les crises ministérielles et gouvernementales telles qu’en avaient connu la 3ième et la 4ième [4].
La majorité parlementaire est suffisante pour que la loi passe sans soucis. Les élections législatives des 11 et 18 juin 2017 ont été marquées par une large victoire de la majorité présidentielle avec la majorité absolue du nouveau parti "La République en marche !" obtenant 308 sièges, son allié le MoDem obtenant quant à lui 42 députés. Cela veut dire qu’il suffisait de pousser "le bouton VOTE" pour que le projet passe avec les emblèmes de la démocratie et du parlementarisme. Alors que là, il passe en force, avec l’évident résultat d’une motion de censure refusée.
Pourquoi dangereux ?
A 3 semaines des municipales qui s’annoncent mauvaises pour la majorité présidentielle, le sentiment de flouer le vote au Parlement va, selon moi, se propager plus rapidement que le coronavirus chinois ! L’abstentionnisme régulier et croissant va être probablement augmenté par ce nouveau camouflet donné aux députés, élus par les citoyens.
Voire même, cela peut donner des envies à certains, d’arrêter de voter pour des listes, partis ou candidats républicains au bénéfice des candidats de l’extrême droite, bien peu républicains dans les entrailles [5].
Sachant que pour ma part, on ne me reprendra pas sur le vote utile...
Ceci étant, même si je ne porte (vraiment) pas Macron et Philippe dans mon coeur, il ne faut pas non plus leur faire de mauvais procès. Le 49.3 a été utilisé le plus par Rocard (24 passages) [6], Cresson, Barre et Chirac étant les suivants, mais très loin derrière (8 passages).