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La vie sexuelle en France

Date de publication :
Mots clés :
  • Janine Mossuz-Lavau
  • Livres à lire
  • Sexe

  • Diversité des pratiques, disparition des tabous, libération de la parole… 65 Français racontent leur vie sexuelle à la sociologue Janine Mossuz-Lavau

    Que les oreilles chastes passent leur chemin ! Dans ce livre, il est question de fellation, de cunnilingus, de sodomie, et la masturbation est présentée comme une pratique courante dans les deux sexes tout au long de la vie…

    Dix-sept ans après sa première enquête sur la vie sexuelle des Français, la sociologue Janine Mossuz-Lavau renouvelle l’expérience. Durant l’année 2017, elle est allée à la rencontre de 65 hommes et femmes, âgés de 19 à 85 ans, de tous les milieux sociaux, à Paris et dans diverses régions de France. Employant comme précédemment la méthode des récits de vie, faite de longs entretiens, elle constate une extraordinaire libération de la parole. Contrairement à l’enquête précédente, « les personnes se sont racontées, confiées, dévoilées, sans que j’aie eu beaucoup à intervenir ».

    Une libération qu’atteste aussi le mouvement #MeeToo, intervenu à l’automne 2017, donc à la fin de cette enquête. Interrogés au départ sur la manière dont ils ont découvert la sexualité, nombre de protagonistes de ce livre n’hésitent pas à raconter les attouchements, voire les viols dont ils ont été victimes de la part d’adultes de l’entourage familial. Face à une loi du silence qui régnait dans nombre de familles, beaucoup en ont gardé une immense culpabilité. Certains disent y avoir pris du plaisir, d’autres avoir été victimes d’omerta familiale, dans laquelle ils se heurtaient au déni des parents ou même à l’accusation, pour les filles, d’être responsables des faits par un comportement aguicheur…

    Mais il n’empêche. Au-delà de cette face obscure, la suite de l’enquête montre des vies sexuelles libres et diversifiées. Non pas une révolution, nous dit l’auteure, mais plutôt une évolution dans le long processus à l’œuvre depuis les années 1960, lorsque la sexualité a été dissociée de la procréation et que la libération des mœurs s’est progressivement mise en marche.

    Les premières expériences des jeunes, par exemple, se sont complètement transformées. Chez les filles, le tabou de la virginité semble bien avoir volé en éclat. Si Françoise (85 ans) s’est mariée vierge à 30 ans, elles sont plusieurs à déclarer avoir, à l’adolescence, programmé leur défloration, au fil d’aventures sans lendemain qui laisseront souvent des souvenirs mitigés. Mais pas question d’avoir l’air d’une débutante lorsqu’elles rencontreront l’élu de leur cœur ! Il en est de même pour les garçons, qui n’hésitent pas à recourir à des filles plus âgées pour franchir ce cap.

    Symbole de l’évolution des mœurs qui travaille la société, les premières expériences sont en outre une occasion de tester ses goûts : chez les jeunes générations, le passage d’un sexe à l’autre se fait sans culpabilité, ni honte, ni regret. « Hétéro, homo ou bisexuelle (…), j’ai laissé tomber les classifications », déclare Clémence (35 ans). Un refus des étiquettes et d’assignation à des « identités figées » qui, d’ailleurs, ne le sont plus guère ! Patrick, 40 ans, bisexuel adepte du libertinage, reçoit des garçons la nuit, dans l’appartement où il vit avec sa fille et sa compagne, qui ferme les yeux sur ces pratiques…

    Il ne faudrait pas en conclure cependant que tous ont une sexualité débridée ! Certaines et certains homos n’ont jamais testé les bras d’une personne du sexe opposé. Certains hétérosexuels restent toute leur vie avec leur premier partenaire. Dans la dernière enquête quantitative sur le sujet (Inserm/Ined/ANRS, 2006), on en comptait 1,9 % chez les femmes et 1,4 % chez les hommes… moyennant souvent, selon ceux rencontrés dans ce livre, quelques accommodements avec le ciel. Si tous les tabous semblent peu à peu disparaître, J. Mossuz-Lavau en signale un qui perdure à l’heure où, dans les sociétés occidentales, les injonctions au plaisir et à l’amour sont devenues omniprésentes : celui de couples, jeunes ou âgés, qui disent s’aimer et vouloir finir leur vie ensemble mais ont tiré un trait sur les étreintes depuis longtemps. Usure, blocage à un moment de la vie, manque d’appétit sexuel : certains s’accommodent de l’abstinence, compensée par la tendresse et l’affection, d’autres s’offrent des festivités extérieures…

    Quoi qu’il en soit, mariés, en couple ou célibataires, la plupart des personnes de cette enquête sont loin de se limiter au périmètre du duo. Selon leurs aveux, ce sont les plaisirs de l’amour qui mènent le monde. Et si les hommes n’innovent pas dans la réputation millénaire de Don Juan du sexe mâle, les femmes ne sont plus en reste. À 20 ou 50 ans, beaucoup d’entre elles revendiquent la satisfaction de leurs désirs sexuels. Les ruptures sont souvent l’occasion de s’adonner au polyamour et à moult expériences, dans lesquelles chacun expose ses préférences : caresses diverses, cunnilingus, sodomie, fellation et autres jeux de sextoys. Quant aux sites de rencontre, que l’on y recherche l’amour de sa vie ou l’aventure d’un soir, leur usage s’est complètement banalisé, ne faisant plus, à aucun âge, l’objet d’aucun tabou. On peut aussi faire l’amour sur Skype, seule innovation, note l’auteure, dans des pratiques sexuelles qui existent depuis la nuit des temps.

    L’idée que, pour faire l’amour, la femme devrait nécessairement être amoureuse alors que l’homme rechercherait d’abord l’assouvissement de ses besoins sexuels, est un cliché éculé, conclut J. Mossuz-Lavau. De nombreux hommes expriment dans l’enquête leur besoin de sentiments, de tendresse et de complicité, au-delà ou à côté des pratiques libertines. Fidèle à sa thèse développée dans ses ouvrages précédents, l’auteure affirme que les assignations à des rôles que l’on disait « masculins » ou « féminins » sont en train de disparaître : « Nous nous dirigeons vers l’indifférenciation des genres, c’est-à-dire des sexes sociaux. »

    Une affirmation qui ne manquera pas de faire débat, alors que nombre d’associations dénoncent incessamment la persistance des stéréotypes de sexe. Cette enquête auprès d’une soixantaine de personnes peut-elle être considérée comme emblématique de la vie sexuelle des Français ? Elle témoigne en tout cas d’évolutions profondes dans l’air du temps.

    Janine Mossuz-Lavau
    Politologue et sociologue, directrice de recherche émérite au CNRS et au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), elle travaille sur la question des sexualités depuis de nombreuses années. Elle a notamment publié La Vie sexuelle en France (La Martinière, 2018), Guerre des sexes : stop ! (Flammarion, 2009), La Prostitution (Dalloz, 2015) ou Dictionnaire des sexualités (dir.) (Robert Laffont, 2014).

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