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Pénicaud dénonce qu'on puisse "gagner plus au chômage qu’en travaillant"

Dans l'interview qu'elle a accordée à Challenges, la ministre du travail répond sans détours aux questions qui fâchent, sur les chiffres décevants de l'emploi et du chômage, la lenteur de la mise en œuvre de ses réformes et  les règles d'indemnisation du chômage parfois absurdes, qui n'incitent pas à la reprise du travail.  

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GHOSN: LA FRANCE DEMANDE LE RESPECT DE LA PRÉSOMPTION D'INNOCENCE
GONZALO FUENTES

Un an et demi après l’élection d’Emmanuel Macron, la situation de l’emploi ne s’est guère améliorée. Est-ce un échec ?

Pas du tout. Les premiers signaux sont là. En un an, le chômage est passé de 9,7 % à 9,1 % de la population active. Certes, le gouvernement ne se satisfait pas de cette situation mais la tendance est bonne. Pour preuve, l’économie française a créé 250 000 emplois sur les douze derniers mois. Et les embauches en contrat à durée indéterminée ont augmenté de 14 % en un an. Du jamais vu depuis une décennie. Je comprends que les Français soient impatients mais on ne peut pas résoudre trente ans de chômage de masse d’un coup de baguette magique.

Malgré ce chômage de masse, les entreprises s’alarment des pénuries de main d’œuvre…

Nous faisons face à un paradoxe : un chômage élevé avec quelque 2,5 millions de demandeurs d’emploi et des entreprises qui n’arrivent pas à recruter, faute de compétences. C’est insupportable car c’est la double peine. D’autant que les pénuries de main-d’œuvre se sont aggravées avec la reprise de l’économie en 2017.

Que faites-vous concrètement pour y remédier ?

Nous multiplions les réformes. D’abord celle de l’apprentissage, essentielle. C’est l’une des solutions pour répondre aux pénuries d’emploi et au chômage des jeunes sans diplôme. La loi a été votée en septembre dernier et les décrets viennent juste d’être publiés. Mais on observe déjà un frémissement : le nombre d’apprentis a augmenté de 5,6 % depuis septembre et les demandes à la sortie du collège ont bondi de 45 %. Le message est déjà passé auprès des jeunes, des familles et des entreprises.

Vous lancez aussi un grand plan de formation des chômeurs, long à mettre en œuvre…

Le gouvernement met 15 milliards d’euros sur la table pour financer le Plan d’investissement dans les compétences, qui devrait tourner à plein régime en 2019. Il va former un million de chômeurs et un million de jeunes éloignés du marché du travail. Contrairement à François Hollande, qui avait financé un plan de formation de 500 000 chômeurs à la va-vite et sans exigence suffisante de qualité, nous avons pris le temps de bâtir un dispositif qui permette vraiment aux chômeurs de retrouver un emploi.

Mais certaines régions qui gèrent la formation des chômeurs ne jouent pas le jeu…

Nous avons signé des conventions avec la plupart des régions. Mais certaines sont récalcitrantes comme Rhône-Alpes Auvergne, dirigée par Laurent Wauquiez En 2017, elle a diminué le nombre de formations de chômeurs de 57 %. Or, nous exigeons un certain volume de formations avant apporter un financement supplémentaire.

Qu’attendez-vous de votre réforme radicale de formation professionnelle ?  Nous transformons un système qui ne fonctionne pas car l’accès est trop inégalitaire. Seul un ouvrier sur trois a accès à une formation contre sept sur dix dans les pays scandinaves. Il faut tout reconstruire. Mais cela demande du temps. Mettre en place une application mobile pour 26 millions d’actifs qui répertorie les quelque 80 000 organismes de formation ne se fait pas en un jour. A l’automne prochain, la réforme deviendra concrète pour les Français, qui pourront visualiser leurs droits en temps réel et devenir acteur de leur parcours professionnel. Cette application fait d’ailleurs des envieux : plusieurs pays la regardent avec un grand intérêt.

Etes-vous déçu par l’effet de votre réforme du code du travail ? Beaucoup d’entreprises n’utilisent pas cette nouvelle flexibilité…

Le besoin de pédagogie est énorme car beaucoup d’entreprises sont saisies d’une sorte de vertige devant les nouvelles opportunités de la loi Travail (référendum dans les petites entreprises, création d’une nouvelle instance de représentation du personnel...) Il y a les pionnières qui ont compris l’avantage, pour la cohésion sociale et la compétitivité, d’un dialogue social novateur. Ensuite, il y a le gros des troupes, le peloton, que nous devons convaincre. Enfin, il y a les récalcitrantes qui considèrent le dialogue social comme un boulet. Mais nous avons d’autres moyens, plus coercitifs, de les convaincre.

Sur l’assurance chômage, êtes-vous prêt à lancer une réforme radicale des règles d’indemnisation, si la négociation entre les partenaires sociaux échoue ?

Oui car c’est une prérogative de l’Etat. Notre objectif est clair : favoriser la reprise d’un emploi durable. Actuellement, la règle du cumul emploi-chômage n’incite pas à la reprise d’un travail. En effet, une personne qui travaille à mi-temps au smic perçoit un salaire de 740 euros par mois. Mais si elle alterne 15 jours de chômage et 15 jours de travail dans un mois, elle percevra un revenu de 960 euros. Ce n’est pas normal. On ne doit pas gagner plus en étant au chômage qu’en travaillant. Il faudra expliquer aux Français pourquoi il faut changer ces règles, qui enferment dans la précarité.

Propos recueillis par Thierry Fabre, Florian Fayolle et Marion Perroud

 

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